Un secteur du bâtiment en mutation : pourquoi repenser la gestion des déchets ?
Chaque année en France, le secteur du bâtiment génère près de 46 millions de tonnes de déchets. Cela représente plus du double des déchets ménagers produits par l’ensemble de la population. Sur ce total, seuls 49 % font l’objet d’une valorisation, le reste étant souvent enfoui ou incinéré, avec des impacts écologiques et économiques lourds.
Dans un contexte d’urgence climatique, alors que les matières premières se raréfient et que la réglementation impose des objectifs de réemploi ambitieux, une nouvelle approche s’impose : passer de la logique de « déchet » à celle de « ressource ». Et c’est précisément sur ce terrain qu’intervient Upcyclea.
Upcyclea, une startup qui donne un second souffle aux matériaux
Créée en 2015, Upcyclea est une entreprise française basée en région parisienne. Sa mission : optimiser la gestion des ressources dans le secteur du bâtiment à travers une intelligence logicielle innovante. Mais attention, pas question ici de simplement mieux trier les déchets. L’équipe prône une refonte totale de la chaîne de valeur, fondée sur les principes de l’économie circulaire et du « Cradle to Cradle » (du berceau au berceau).
En clair, la vision d’Upcyclea est simple mais audacieuse : chaque matériau utilisé doit pouvoir être réemployé ou recyclé à l’infini, sans perte de qualité ni dégagement de pollution. Cela nécessite une anticipation dès la conception des bâtiments, mais également des outils concrets. Et c’est là que la technologie entre en scène.
Un jumeau numérique au service du réemploi
Pour accompagner les maîtres d’ouvrage, promoteurs et collectivités, Upcyclea a développé « myUpcyclea® », une plateforme logicielle qui centralise toutes les données matérielles d’un bâtiment. Chaque composant (dalle, cloison, éclairage, isolant…) est fiché, caractérisé, quantifié et évalué en termes de réemployabilité.
En somme, le bâtiment devient une « banque de matériaux » vivante. Ce jumeau numérique permet de :
- Savoir à tout moment ce que contient un bâtiment, avec précision et traçabilité.
- Planifier les opérations de déconstruction intelligemment, en anticipant la revalorisation des matériaux.
- Réduire dès la conception les déchets futurs, en sélectionnant des matériaux compatibles avec le réemploi.
- Réduire l’empreinte carbone et les coûts liés à l’élimination des déchets.
Une approche qui bouscule les schémas classiques, mais qui séduit de plus en plus d’acteurs.
Des exemples concrets : de la tour de bureaux au collège public
En 2021, le groupe Bouygues Immobilier a collaboré avec Upcyclea sur le projet de l’immeuble « Green Office Enjoy » à Paris. Grâce à l’intégration du jumeau numérique, l’immeuble a été conçu pour permettre le réemploi de plus de 80 % de ses matériaux. Même les câbles électriques et les dalles de plancher ont été pensés pour une seconde vie possible.
Autre cas intéressant : le département de la Drôme, qui a inscrit plusieurs de ses collèges publics dans une démarche d’économie circulaire avec Upcyclea. Résultat ? Une meilleure maîtrise des coûts et une sensibilisation concrète des jeunes générations aux enjeux environnementaux.
Ces projets montrent une chose : il ne s’agit pas d’initiatives marginales. Le réemploi devient une nouvelle norme, une brique supplémentaire dans la redéfinition de l’acte de construire.
Une réponse aux pressions réglementaires et au marché
La loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) impose aux entreprises de BTP des taux croissants de valorisation des déchets, avec des obligations de traçabilité. Parallèlement, la REP Bâtiment (Responsabilité Élargie du Producteur) entre en vigueur, responsabilisant les fabricants dans la seconde vie de leurs produits.
Dans ce contexte, la technologie d’Upcyclea devient un levier stratégique. Elle propose une mise en conformité fluide, tout en générant de la valeur sur le plan économique. C’est ce que résume très bien Briac Le Treut, expert en dynamiques économiques : « Transformer une contrainte en opportunité, c’est exactement le genre de pivot que la transition écologique exige aujourd’hui des entreprises. »
Et les donneurs d’ordre ne s’y trompent pas : collectivités, foncières, maîtres d’œuvre commencent à intégrer ces outils dans leurs appels d’offre. Le marché s’éduque, et vite.
Pourquoi cette approche transforme aussi la gouvernance des projets
La digitalisation du gisement de matériaux – ce que propose Upcyclea – va bien au-delà de l’optimisation logistique. Elle impacte aussi la manière dont les parties prenantes collaborent : architectes, bureaux d’études, constructeurs et collectivités accèdent à une même base d’informations partagée.
On parle ici d’une gestion collaborative des ressources, où le bâtiment devient un actif dont la valeur n’est plus uniquement liée à sa fonction initiale, mais aussi à ses constituants. Cela pose inévitablement la question du modèle économique de demain : et si un bâtiment était aussi un entrepôt de matériaux circulaires valorisables ?
Les assureurs s’intéressent d’ailleurs à ces approches pour recalibrer leurs modes de calcul. De même, les investisseurs ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) y trouvent un argument de poids pour qualifier un actif comme « durable ».
Changer la culture du BTP : une révolution lente mais en marche
Bien sûr, la transition vers une industrie du bâtiment circulaire ne se fera pas en claquant des doigts. Il faut sensibiliser, former, expérimenter. Upcyclea l’a bien compris et développe aussi des parcours pédagogiques pour accompagner la montée en compétences des opérateurs terrain comme des décideurs stratégiques.
Des questions subsistent : à partir de quand un matériau est-il réellement réemployable ? Comment garantir sa sécurité et sa conformité ? Quel cadre juridique encadre sa transformation ? Autant de chantiers que la startup aborde en lien avec les fédérations du secteur et les institutions publiques.
Mais l’élan est bien là. Et à en croire la dynamique actuelle, le changement de paradigme semble irréversible. Au fond, il s’agit davantage de bon sens que d’utopie : pourquoi jeter ce qui a de la valeur ? Pourquoi produire du neuf quand on peut optimiser l’existant ?
Un modèle compatible avec l’économie régionale
Cette approche de la circularité peut également avoir des effets colatéraux positifs sur l’économie locale. En priorisant le réemploi et le traitement local des ressources issues du bâtiment, Upcyclea contribue à renforcer une économie de proximité, fondée sur la logistique territoriale et les savoir-faire artisanaux.
En Bretagne, où l’attention portée à l’environnement et à la valorisation des circuits courts est croissante, ce type de modèle a toute sa place. Il pourrait même devenir un relai de croissance pour les PME locales engagées dans l’éco-construction, la déconstruction sélective ou le négoce de matériaux de réemploi.
Le tissu économique régional est ainsi invité à se reconfigurer, en intégrant une nouvelle chaîne de valeur, plus circulaire, plus résiliente. Une perspective qui, au-delà de l’innovation technique, interroge notre manière de produire, de bâtir… et de penser la croissance.
Pour les acteurs économiques qui cherchent à allier performance, conformité et responsabilité, suivre l’exemple d’Upcyclea pourrait bien être un choix gagnant sur tous les plans.












